Précautions d’usages. En refusant de rentrer dans le bal, A CONTRARIO risque de se voir taxer d’élitisme, d’hypocrisie, au pire de conspirer. Sera dit certainement qu’A CONTRARIO alimente l’illusion de pouvoir se tenir pour meilleur que les autres. La critique qu’A CONTRARIOprétend mettre en application sera sans aucun doute dénoncée comme une idéologie au service des intérêts personnels de ses auteurs. L’étiquette, qu’immanquablement ses détracteurs voudront lui accoler, sera celle d’une posture vaniteuse et illusoire prétendant se placer au-dessus de la société et du système culturel qu’A CONTRARIO dénonce. C’est en s’exposant à la critique qu’A CONTRARIO justifiera son positionnement. Son apparente gratuité, sa partialité, sera d’autant plus avérée qu’elle saura ne pas négliger combien aucune critique ne saurait oblitérer la réalité. A CONTRARIO sait combien la gravité est le signe d’une certaine pesanteur que la belle société a aussi bien appris à manipuler qu’à instrumentaliser. Quiconque cherche à marquer ses distances, demeure autant lié au système culturel que ceux qui s’y adonnent volontairement. La différence tient uniquement au degré de lucidité, de prise de conscience, qui est susceptible de lui allouer une connaissance de la situation pour elle-même, ouvrant à une infime opportunité de liberté. A CONTRARIO sait combien se distancier des rouages du système culturel représente un privilège. Mais, ce privilège reste tout autant lui-même un produit du système. Le retrait qu’A CONTRARIO s’évertue à pratiquer, comporte en soi le négatif de ce qu’il chercher à nier. La discipline qu’il est indispensable d’observer, participe de celle qu’exige le système pour être oublié. Pour asseoir sa domination, le système culturel, absolument total et partout, prend les atours de l’individualisme, endosse les droits fondamentaux de l’individu. C’est que, quiconque veut le contester et se tourner contre lui, doit d’abord se revendiquer de ce même droit fondamental ; dans son opposition, il revient donc le sujet du système culturel, littéralement SON opposant. Que l’individualisme envahissant soit parvenu à convaincre que ce sont les singularités de la personne qui justifient la substance de toute existence individuelle, confirme combien, objectivement l’individu comme tel disparait derrière l’uniformité de notre époque, autant qu’elle constitue le ciment de son unité. Aujourd’hui, il est impossible de différentier une architecture d’une autre. Parce qu’elles se veulent toutes différentes, les unes par rapport aux autres, toutes se ressemblent. Si tant est qu’il soit possible de s’y autoriser, personne ne songe plus à identifier ce qui pourrait vraiment permettre de les distinguer. Le déclin de l’architecture — tout comme le déclin de la culture — est devenu un poncif tellement rebattu qu’il n’éveille plus aucune vigilance. Pourtant, il n’est qu’à comparer la production contemporaine avec les origines historiques — celui dont elle consent encore parfois à reconnaitre le legs — et transparait la soumission aux règles du système de consommation culturelle, sinon leur pure et simple assimilation en tant qu’axiomes comme conditions de production. Ce qu’il faut attester comme un analphabétisme heureux, ne dédouane personne quant à l’étendue de la perte qui accuse la culture architecturale lorsqu’elle se contente de ce qui lui est demandé de penser, de croire ou de savoir. Il y a bien longtemps que l’architecte n’est plus ce maçon qui parle le latin. Les architectes subissent — silencieux, soumis — la brutalité croissante de leurs conditions. Les modes passent et balayent toujours un peu plus toute possibilité de se référer à une quelconque norme objective. L’architecture a perdu toute assise théorique ou définitionnelle. Chaque fois, les architectes sont sommés d’adopter des postures, des propos qui, face à l’architecture, sont dépourvus de sens ou de signification. Avec le Libéralisme, le néo-libéralisme a évacué toutes les notions qui garantissaient une valeur humaniste à la modernité. Seul a été conservé le principe de la concurrence. En se définissant comme seuls critères, les dynamiques de production ont envahi chaque parcelle de la société ; avec elle, l’architecture. De la sphère sociale, celles-ci se sont transférées dans celle de la sociologie ; au niveau de l’existence, ce sont elles qui président aux relations entre les individus. L’individu — mais l’artiste et l’architecte plus que tous les autres — est ramené à sa dimension subjective. Mais, à l’instant même où il adopte ce qui lui est présenté comme l’opportunité de se développer, il se découvre isolé, enceint d’une solitude qu’il ne pourra plus que cultiver que comme une sorte d’aura personnelle. Le système culturel invite chaque architecte à se considérer spécifique, singulier, par rapport aux autres en même temps qu’il les uniformise par l’intérêt que chacun pense lui être réservé en privé. Depuis que la caste des architectes a abdiqué, ils persistent à vouloir survivre en des postures plus pathétiques les uns que les autres. Ils se disent ennemis du système dont ils ne sont pourtant que les pions et les produits. Lorsqu’ils s’autorisent le luxe de réfléchir un peu, c’est toujours pour usurper le faux privilège attenant à une position particulière ou de distinction. Dans la mesure où leurs réflexions restent au niveau des préoccupations que leur autorise le système, ils demeurent absolument aveugles à la façon dont ils contribuent à reproduire les conditions matérielles de leurs existences sans plus aucune autonomie. Le semblant de dignité dont se parent les architectes, en tant que privilégiés au service de l’intérêt public, contrevient à cette exigence dans le sens où celle-ci ne se résulte pas d’autre chose que d’un impératif en provenance du système. L’urgence même de recourir à une réflexion indépendante relève du fait qu’il n’existe aucun moyen de réchapper à ce dernier.